Si l’amendement voté par les députés dans le cadre du projet de budget 2021 de la Sécurité sociale (PLFSS) est un signal positif concernant les revendications salariales du secteur du domicile, les sommes débloquées – 200 M°€, mais seulement 150 M°€ en 2021 – interviennent trop tardivement et restent très éloignées des sommes légitimement revendiquées par les acteurs du secteur.
Avril 2021 : une prise en considération trop tardive
Alors que les métiers du domicile peinent à recruter les personnels indispensables pour permettre aux personnes âgées ou vivant avec un handicap qui le souhaitent de rester à domicile, le Ségur de la santé, en attribuant aux personnels hospitaliers des augmentations de salaires, a créé un appel d’air ; très concrètement, des aides-soignantes quittent aujourd’hui le secteur du domicile pour le secteur hospitalier.
Cette problématique ne fait qu’aggraver une situation déjà très tendue du fait en particulier des salaires très bas qui font de nombreux salariés du domicile des travailleurs pauvres (la moyenne du salaire mensuel net d’une aide à domicile est de 900 euros).
Reportée à avril 2021, la revalorisation des salaires du domicile ne permettra pas de recruter et de fidéliser les salariés du domicile, ce qui va rendre très compliqué le maintien à domicile de tous les Français qui le souhaitent. Pour stopper l’hémorragie et assurer l’accompagnement à domicile des personnes en perte d’autonomie, il est urgent qu’avant la fin de l’année puisse être annoncée la mise en œuvre effective d’une revalorisation salariale ; l’avenant 44 à notre convention collective de branche, qui n’attend plus que la signature du gouvernement, en offre la possibilité très concrète.
200 M€ : une enveloppe notoirement insuffisante
Prenant en compte à la fois des besoins salariaux et d’évolution des métiers, la branche du domicile a traduit l’objectif de revalorisation dans deux avenants à sa convention collective – 43 et 44. Au final, ce sont 600 M€ qui sont nécessaires pour permettre un juste rattrapage des salaires dans notre branche, loin des 200 millions affichés dans l’amendement gouvernemental.
Cette somme constitue donc un engagement nécessaire car ces avenants permettent une revalorisation des métiers,
• dès l’entrée dans l’emploi, puisque les aides à domicile bénéficieront dès la 1ère année d’un salaire 2% supérieur au SMIC, là où aujourd’hui il leur faut attendre 17 années pour prétendre à une rémunération supérieure au salaire minimum légal. Ainsi après 5 ans d’ancienneté, elles pourront bénéficier d’une revalorisation de 137,97 € brut par mois.
• pour les salariés diplômés nouvellement embauchés (auxiliaire de vie sociale, aides-soignants, accompagnant éducatif et social) cette revalorisation s’élèvera à 360€ brut par mois.
La mise en œuvre et le financement de ces avenants dans leur intégralité est indispensable, et n’est qu’une juste reconnaissance du rôle clé des intervenants à domicile dans l’accompagnement des personnes âgées ou handicapées. Les 200 M€ de l’amendement du Gouvernement, ne représentent que le tiers de l’enveloppe nécessaire pour répondre à l’urgence. Le compte n’y est pas !
Les Départements : des acteurs incontournables qui restent à mobiliser
Le gouvernement table manifestement sur une mobilisation des départements pour compléter la contribution de l’Etat. Indépendamment du fait qu’une contribution identique des départements ne permettrait pas de réunir les budgets nécessaires, cette contribution reste hypothétique, le gouvernement ne s’engageant qu’à initier une « concertation » avec ces derniers.
L’attribution en ordre dispersé de la prime COVID par les départements n’inspire guère la confiance du secteur. En effet, alors que tous les ESMS cofinancés par l’assurance maladie ont déjà reçu un financement de la prime dans des conditions identiques sur tout le territoire national, 20% des départements ne se sont pas engagés et ceux qui l’ont fait ont adopté des modalités différentes, avec des montants allant du simple au double ou excluant parfois certaines catégories de salariés
Cet épisode malheureux laisse augurer d’autres atermoiements pour la revalorisation salariale dont on ne peut imaginer qu’elle soit à géométrie variable d’un département à l’autre. Ce serait aussi faire fi des négociations et accords de branche.
Si les départements sont appelés à apporter un financement, ce doit être sur la base des accords de branche, et dans le cadre d’un contrat avec la CNSA permettant un véritable contrôle.
Une absence d’accord des départements sur un engagement uniforme et équitable n’est en aucun cas acceptable.
Les 200 M°€ d’engagement de l’Etat sont une première avancée pour la prise en considération de la situation critique que vit actuellement le secteur du domicile.
Il est maintenant urgent de mettre en place un financement pérenne et équitable de la revalorisation des métiers du domicile (Aide à domicile, Infirmier, TISF, Auxiliaire de Vie, Aide-soignant) associant l’Etat et les départements. Ne mettre en place aucune mesure concrète avant avril 2021 serait un coup très dur asséné une fois de plus aux actrices et acteurs du domicile, et aux personnes que nous accompagnons.